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Rubrique : EXPOSITIONS

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EXPOSITION Jean Hélion, la prose du monde

Musée d’art moderne

Mis en ligne le 8 juin 2024, par Luigi Magno

Voir en ligne : Voir la page présentant l’exposition sur le site du MAM.

Musée d’Art Moderne de Paris,
1 Avenue du Président Wilson
75116 Paris
Tél. : +33 1 53 67 40 00

Plusieurs grandes expositions ont été consacrées à Jean Hélion (1904-1987) : en 1979, une présentation d’œuvres sur papier au Centre Pompidou, et ensuite deux rétrospectives (l’une, en 1984, au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, et l’autre, en 2004, au Centre Pompidou).
Cette exposition permet de considérer l’intégralité de l’œuvre de Jean Hélion, selon l’ordre chronologique, au rythme de ses allers et retours entre le trait figuratif et l’abstraction, et de ses séjours aux États-Unis, à travers plus de cent cinquante œuvres (une centaine de peintures, cinquante dessins, des carnets ainsi qu’une abondante documentation), prêtées par des institutions françaises et internationales, ainsi que par des collections privées.

Jean Hélion commence à peindre dans les années vingt, puis évolue vers le cubisme. Au fur et à mesure de rencontres importantes, avec Torres-Garcia, puis avec le groupe Art Concret, et de ses voyages aux États-Unis, Hélion s’aventure toujours plus loin dans l’abstraction. Par exemple, il expérimente un temps des compositions de formes carrées et rectangulaires aux couleurs primaires qui rappellent fortement une des périodes célèbres de Mondrian (entre les années vingt et trente).
Après la guerre, Jean Hélion revient au figuratif et s’illustre notamment dans des natures mortes, qui rendent compte d’objets du quotidien (souliers, journal, parapluie, pain, chou et citrouille), ou dans des scènes de rue. Celles-ci donnent lieu à ses premiers grands polyptyques et prendront une dimension plus ouvertement politique à partir des événements de mai 1968.
En extérieur, Hélion peint les arbres de Paris, notamment ceux du Jardin du Luxembourg, ou les paysages de Bretagne, mais aussi les toits qu’il aperçoit depuis son appartement de la rue Michelet, comme le montre une de ses séries parmi les plus connues, intitulée Toits et peinte dans les années soixante.
Ce que montre bien la rétrospective, c’est que Jean Hélion ouvre différents champs de recherche dans sa peinture, tout en poursuivant la réflexion propre à chaque motif important pour lui : ainsi de celui de la citrouille et autres « citrouilleries » (Citrouillerie, 1952, huile sur toile), déclinés de l’étude (Citrouille, 1972, pastel sur papier bleu) à la nature morte (Nature morte à la citrouille, 1948, huile sur toile), de l’observation à la réflexion (La Citrouille et son reflet, 1958, huile sur toile), entre les années quarante et quatre-vingt.

Certains critiques ont émis des réserves au sujet de cette rétrospective, pour des raisons liées aux contraintes dictées par l’espace offert par le Musée d’Art Moderne, à l’aune duquel ont été mesurées précédemment les rétrospectives dédiées à Chirico, Buffet et Kokoschka : les dimensions et les configurations du lieu présentant un défi à toute scénographie, comme le souligne Guy Boyer pour Connaissance des Arts. Mais une fois ces difficultés reconnues, il ne paraît pas nécessaire de rêver à une exposition idéale qui orienterait l’impression générale produite par l’œuvre, voire en modèlerait la représentation selon une idée ou une autre de perfection — projection subjective et distincte de la conception propre de l’artiste. L’intérêt d’une telle rétrospective est de montrer la singularité du cheminement de Hélion, notamment quant à la diversité de ses recherches et de ses tentatives, ainsi qu’à l’évolution du traitement de certains thèmes ou motifs récurrents.
Semblable en cela à la démarche de Ponge, veillant à ne rien cacher de ses tentatives, à en dévoiler au contraire l’intégralité du mouvement comme participant pleinement à la composition de l’œuvre.

Marie Frisson