Publication de la "Société des Lecteurs de Francis Ponge"
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Rubrique : Archives du site
Rubrique : PARUTIONS D’OUVRAGES
IMPRIMERL’Atelier contemporain
Mis en ligne le 1er septembre 2020, par
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PRÉSENTATION :
Francis Ponge a soixante-dix ans lorsque, en août 1969, il reçoit d’un étudiant de Rennes un mémoire consacré à son œuvre. Cet étudiant, c’est Christian Prigent, alors âgé de 23 ans et fondateur de la tout nouvelle revue TXT. Son œuvre poétique et critique est encore balbutiante, et pour cause : il semble que pour l’initier, il lui faille en quelque sorte traverser celle de Ponge. « Je m’explique tout par elle », confie-t-il à celui qui se retrouve, de fait, en position de maître. En 1984, dix ans après que la rupture aura été consommée, il lui parlera du « “meurtre du père” par lequel, peut-être (?) il fallait que je passe pour écrire hors de la fascination de votre travail. »
Correspondance entre un « grand écrivain » et un « jeune homme », selon les termes dans lesquels s’institue l’échange, cette suite d’une centaine de courriers adressés entre 1969 et 1986 a cependant peu en commun avec les Lettres à un jeune poète – ne serait-ce que parce que les rôles, sur la scène littéraire, ne sont pas aussi fermement assignés. Ponge, étant sorti de l’isolement dans le courant des années 1960, cherche à asseoir son œuvre et à lui assurer des héritiers ; Prigent, lui, cherchant son écriture, évolue très vite sur le plan esthétique et idéologique. Leurs échanges, même empreints d’estime et d’admiration, sont donc également stratégiques, d’autant plus qu’ils impliquent un tiers : la revue Tel Quel, alors importante promotrice de l’œuvre de Ponge.
Ces lettres, qui relatent entre autres l’introduction de Prigent auprès des membres de Tel Quel, la conception d’un numéro de TXT spécialement consacré à Ponge et les préparatifs du colloque de Cerisy, sont donc un document de notre histoire littéraire récente. Outre qu’elles éclairent la réception d’une œuvre qui entend incarner « un apport aussi radical (pour le moins !) que celui d’Artaud ou de Bataille à la mutation en cours », elles témoignent de l’effervescence intellectuelle et politique de l’après-68, laquelle sera la cause majeure de la rupture entre les deux interlocuteurs – l’un, gaulliste affirmé depuis Pour un Malherbe, l’autre, porteur des idées du mouvement étudiant – après le virage maoïste de Tel Quel en 1972.
Spectacle d’une transmission ambiguë au-delà d’un fossé générationnel ? Tel est peut-être ce que donne à voir cette correspondance. En ce sens, elle contribue aussi à la compréhension de l’œuvre de Christian Prigent – « Malaise dans l’admiration », tel est le titre d’un article qu’il a consacré à son aîné en 2014. Signe d’une « relation enragée », pour reprendre l’expression de Benoît Auclerc, concepteur de cette édition.