En 1986, le label Nato [1] dirigé par le producteur Jean Rochard s’apprête à élaborer un nouveau projet : la bande-originale d’un film noir imaginaire porté par deux musiciens anglais, Steve Beresford et David Toop, rejoints par le jeune saxophoniste Steve Zorn, que Jean Rochard a découverts l’année précédente, lors d’un festival organisé en France. Il imagine une voix parlée sur la partition jouée par le trio. Tonie Marshall accepte d’évoquer des figures d’actrices de l’âge d’or d’Hollywood comme Jayne Mansfield et Maria Montez, ainsi que de lire différents textes de son choix, notamment des extraits d’oeuvres de Francis Ponge, de Benjamin Péret et de Natacha Michel. Deadly Weapons sera le premier opus d’une série d’autres expérimentations de ce nouveau genre, propre au jazz d’avant-garde.
Trois ans plus tard, Tonie Marshall demande à Steve Beresford de composer la bande-son de son premier film, Pentimento.
L’idée n’est pas exactement nouvelle. En effet, si l’enregistrement des notes de Miles Davis et de ses musiciens sur la déambulation de Jeanne Moreau dans Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle participe de la composition de ce film et contribue, pour une part, à son succès [2], il a peut-être inspiré toute une veine de musique narrative de l’histoire du jazz : autant de créations qui se présentent comme de fausses bandes sonores de film, ou plutôt comme des bandes-son originales de films imaginaires. Il faut cependant noter que le titre, Deadly Weapons, renvoie à un film de vengeance d’assez mauvais goût réalisé par Doris Wissman et sorti en 1974 aux Etats-Unis.
La particularité de cette expérience musicale réside notamment dans sa pratique du mélange : outre les interventions de Tonie Marshall en voix parlée, le trio mêle diverses influences du swing et le blues à la musique pop, en passant par la cold wave, le free-jazz et la musique contemporaine - selon une pratique que certains qualifient également de postmoderniste [3]. Toujours est-il que le mélange de références diverses qui tend à l’hétéroclisme, y compris par les matériaux sonores employés, est devenu une marque du style de ces musiciens, notamment de John Zorn [4].
Marie Frisson
