Extrait de la préface « Mémoire, Histoire et matériologie » (M. Frisson) :
« […] Par ailleurs, il est peut-être d’autant plus nécessaire de parcourir ces années décisives, à rebours d’une vision présentiste, que leurs lignes de force sous-jacentes travaillent encore notre temps. En témoignent aujourd’hui les discours inquiets ou perplexes des écrivains et des intellectuels nés entre les années vingt et le début des années trente, qui voient resurgir avec le conflit actuel qui se joue aux portes de l’Europe les fantômes d’une guerre mondiale vécue dans leur enfance ou dans leur jeunesse, alors même que les derniers bras de fer géopolitiques qui occupent notre actualité s’inscrivent dans une longue suite d’événements dont la chute des régimes communistes en Europe a été l’un des pivots décisifs. Le montrent aussi les récupérations idéologiques et politiques de ce passé qui irriguent éhontément, et aujourd’hui plus que jamais, certains discours publiques et médiatiques au risque de la confusion, voire de la falsification, et du dévoiement.
Or, s’il est un sens à donner à l’engagement poétique, et particulièrement à celui de Francis Ponge, c’est bien celui de la vigilance à entretenir et à conserver quant aux discours, ce « vieux tas de chiffons pas à prendre avec des pincettes[43] » et quant aux enjeux de la parole qui conduisent à « parler contre les paroles[44] […] ».