Au détour de ce carnet de voyage kaléidoscopique qu’est Trois Jours en Grèce, où Ponge côtoie, outre son compatriote admiré Claudel, les Hellènes Homère, Théocrite, Euripides, et surtout Yannis Rítsos, au grand registre des citations, une voix, a priori celle de Jean Thibaudeau, relate l’anecdote suivante :
Un soir, à Athènes, Jean-Daniel me disait : « Mon film, c’est un vase : on peut le remplir, de tout ce que l’on veut ». Et je lui ai répondu : « Non. Pour moi, un vase doit être vide, sonore, musical, et je ne saurais qu’y tracer dessus quelques petits traits de paroles qu’on pourrait effacer facilement ».
Remplissage contre labilité. S’agissant de deux très fins connaisseurs de l’œuvre pongienne, il fait peu de doute que le vase, au reste périodiquement visualisé sous les espèces de la céramique antique dans la filmographie polletienne, fait deviner en filigrane - ou entendre en sourdine - un récipient apparenté, « objet médiocre » ou « simple intermédiaire [1] », qui s’avérera en coda métaphoriser le processus de la parole : la cruche. Laquelle oscille incessamment entre les deux pôles posés par Pollet et Thibaudeau - autrement dit, entre le plein et le vide :
Cruche d’abord est vide et le plus tôt possible vide encore.
Cruche vide est sonore.
Cruche d’abord est vide et s’emplit en chantant [2] ».