Jean Starobinski (1920-2019) et Jean-Pierre Richard (1922-2019) sont morts à quelques jours d’intervalle en mars dernier. Ils ont, par leurs travaux et leurs recherches, renouvelé la critique littéraire française du XXème siècle.
Nous publions ici des échanges inédits de ces deux grands critiques avec Francis Ponge, que nous ont confiés Armande Ponge et François de Trentinian.
Ayant poursuivi de front des études de lettres et de médecine, Jean Starobinski a mené toute sa vie une double carrière d’historien de la médecine et de critique littéraire : il a en outre enseigné la littérature à l’Université de Genève durant de longues années. À la fin des années 1950, il soutient deux thèses presque simultanément : la première, de médecine, porte sur l’Histoire du traitement de la mélancolie, des origines à 1900. Elle inaugure de nombreux travaux sur la mélancolie, de La Mélancolie au miroir. Trois lectures de Baudelaire (1990) à L’Encre de la mélancolie (2012). Sa thèse de littérature change en profondeur la critique rousseauiste. Elle est publiée en 1957 sous le titre Jean-Jacques Rousseau : la transparence et l’obstacle. Parmi ses études sur auteur, citons également Montaigne en mouvement paru en 1982.
Il a également consacré de nombreux ouvrages à la critique littéraire, philosophique ou musicale. Dans L’Œil vivant (1961) et La Relation critique (1970), il explique sa propre méthodologie critique : en alliant les méthodes de la psychanalyse, de l’histoire des idées et de la stylistique, il prend de la distance par rapport aux œuvres et, à la fois, déplie en lui le mouvement du texte pour en comprendre la dynamique.
L’œuvre de Jean-Pierre Richard, contemporaine de celle de Starobinski, a également contribué à renouveler en profondeur les méthodes critiques : souvent décrite comme thématique, son approche se caractérise par une lecture rapprochée des textes, et suit des motifs caractéristiques des œuvres qu’il étudie. Son approche, comme celle de Starobinski, sont marquées par la psychanalyse. Celle-ci ne fournit pas une explication ou une interprétation du texte, mais une mise au jour, par une étude des sensations, rêveries et pulsions provoquées par le texte seul, du lien des écrivains à l’écriture et à leur expérience du monde. Parmi ses livres importants, on peut citer Littérature et Sensation (1954), Poésie et Profondeur (1955), ou L’Univers imaginaire de Mallarmé (1961). Il a consacré un essai à Ponge dans ses Onze études sur la poésie moderne (1964). On retrouvera l’hommage de Michel Collot à Jean-Pierre Richard sur le site de Poezibao ici. À noter également un récent et intéressant numéro de la revue Europe singulièrement transformé par cette double annonce en tombeau.