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Hommage à Bernard Beugnot (1932 - 2023) par Jacinthe Martel

Bernard Beugnot

Bernard Beugnot était professeur émérite de l’Université de Montréal et spécialiste de littérature française du XVIIe siècle, notamment de Guez de Balzac et de Boileau.
Il s’est également intéressé à la littérature contemporaine durant sa carrière et s’est vu confier la publication des œuvres complètes de Francis Ponge dans la collection de la Pléiade chez Gallimard, entre 1999 et 2002, puis celle des œuvres de Jean Anouilh, en 2007.
Voir le récit de son itinéraire sur le site, ici.

La Société des Lecteurs de Francis Ponge remercie Jacinthe Martel de ce texte inédit, composé pour cette série dédiée aux spécialistes de l’œuvre de Ponge.

Jacinthe Martel est professeure retraitée de l’Université du Québec à Montréal et membre du Centre de recherche en littérature et culture québécoises.
Elle a dédié une grand partie de son travail à l’analyse génétique des archives et des manuscrits d’écrivains et elle a contribué à l’édition critique des œuvres d’Hubert Aquin pour la Bibliothèque québécoise, ainsi qu’à celle des œuvres de Francis Ponge dans la Bibliothèque de la Pléiade.

Voir également l’hommage de la Société des Lecteurs de Francis Ponge à Bernard Beugnot publié sur le site Fabula.org

Hommage à Bernard Beugnot (1932 - 2023)

Bernard Beugnot a « habité la littérature » avec rigueur et certainement aussi avec bonheur. En alliant méthode et curiosité intellectuelle, et sans se restreindre à son champ privilégié, le XVIIe siècle, dont il était un éminent spécialiste, il a porté une attention toute particulière aux outils propres à la recherche littéraire. Il en va ainsi des bibliographies annotées, des inventaires ou encore des éditions critiques établies dans le cadre de grands travaux de recherche dont il a assuré la direction ; le sous-titre du Manuel bibliographique des études littéraires, mis au point avec José-Michel Moureaux, révèle toute la portée de ce méticuleux travail de compilation qui vise à signaler « Les bases de l’histoire littéraire et les voies nouvelles de l’analyse critique ». La recension critique, dont il a très tôt fait une pratique, constituait par ailleurs pour lui une « indispensable et précieuse boussole » pour les chercheurs, jeunes ou aguerris.

À sa remarquable érudition s’ajoutait une très grande générosité qui a marqué ceux qui ont eu le grand privilège de suivre ses cours, de collaborer à ses travaux de recherche et de participer à leur publication. Écrire une thèse sous sa direction permettait de bénéficier de ses larges connaissances (leur transmission étant une règle pour lui) et, davantage encore, de son humanisme. Toujours féconds, les échanges et les rencontres reposaient sur une écoute aussi attentive que bienveillante.

Les travaux de Bernard Beugnot ont souvent été marqués par l’audace. En témoigne par exemple, dès 1992, le colloque intitulé Les Voies de l’invention aux XVIe et XVIIe siècles [1] et consacré à l’étude génétique d’œuvres sans brouillons ni manuscrits. Les études publiées en collaboration avec Robert Melançon ont contribué à infléchir les théories génétiques en s’attardant à des œuvres qui, jusque-là, étaient exclues du corpus d’une discipline qui privilégiait les « manuscrits modernes ».

Parce que les archives constituaient selon lui un véritable « socle » pour la recherche littéraire, une « assise qui éclaire sans être porteuse de réponses toutes faites », Bernard Beugnot a proposé, à titre de « littéraire et historien de la littérature », un tableau du renouveau d’intérêt suscité par les archives au tournant des années 2000. Sa réflexion prenait appui sur ses diverses expériences éditoriales et sur sa lecture minutieuse de corpus et fonds variés, notamment les plus récents chantiers qu’il a explorés : les archives de Francis Ponge et de Jean Anouilh dont il a publié les œuvres dans la collection de La Pléiade. Au cœur de cette vaste réflexion sur les enjeux de la recherche figure une sorte de mise en garde quant au caractère toujours lacunaire des archives qui sont tout à la fois, tenait-il à préciser, « une mine et une menace » (Archives littéraires et manuscrits d’écrivains : politiques et usages du patrimoine [2]).

Au précieux legs intellectuel de Bernard Beugnot, dont cet hommage ne propose qu’une esquisse, s’est progressivement greffée, au fil des années et des lectures, une amitié plutôt rare dans le monde universitaire. Pour cela aussi j’ai toujours tenu à le remercier.

Jacinthe MARTEL
Professeure associée
Département d’études littéraires
Université du Québec à Montréal

Notes

[1Les voies de l’invention au XVIe et au XVIIe siècles. Etudes génétiques, Bernard Beugnot et Robert Melançon (dir.), Montréal, Département des études françaises, coll. « Paragraphes », 1993.

[2Archives littéraires et manuscrits d’écrivains : politiques et usages du patrimoine, Jacinthe Martel (dir.), Québec, éditions Nota bene, coll. « Convergences », 2008.

Mis en ligne le 20 juillet 2023, par Marie Frisson