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Ponge lecteur de lui-même

Conférence inédite de Bernard Beugnot

Bernard Beugnot

Université de Saskatoon, mai 1979.

Bernard Beugnot (1932 - 2023) est un spécialiste de la littérature française du XVIIe siècle, notamment de Guez de Balzac. Sa lecture des œuvres de Francis Ponge constitue un apport important aux études pongiennes, avec la publication de Poétique de Ponge. Le palais diaphane en 1990, aux Presses Universitaires de France. L’article de Bernard Veck, paru en 1998 dans le numéro 33 (« Fortunes de Guez de Balzac ») de la revue Littératures classiques et intitulé « Guez de Balzac chez Francis Ponge. De la distance au « mariage » ou l’indispensable satellite », témoigne de la richesse durable de cette voie interprétative.

La S. L. F. P. a publié le témoignage de Bernard Beugnot quant à son parcours pongien.

Le texte que nous a confié Bernard Beugnot constitue l’un des premiers jalons de la réflexion qu’il a menée sur l’héritage de la poétique de la fable dans l’œuvre de Francis Ponge, prolongeant ainsi les pistes dégagées par le premier colloque de Cerisy consacré à l’œuvre de Ponge (Francis Ponge, inventeur et classique), en 1975.
Il s’agissait d’observer, à partir de deux exemples issus de La Chèvre et de La Figue (sèche), le double mouvement de la description de l’objet et du retour réflexif du poète sur l’écriture en cours - mouvement qui n’est pas sans rappeler l’économie de la fable, du récit et de sa moralité, dans la tradition classique. Un art poétique se dessine ainsi au fil du texte : non « en marge, à l’extérieur des textes eux-mêmes dans un rapport de la théorie à la pratique, mais à l’intérieur même de cette structure de fable qui fait de ses poèmes autant de méditations de la poésie, de moments de théorie incarnée » (p. 4). Francis Ponge puise à ce fonds, à la fois littéral et figural, dès les années vingt, comme le montre le titre de certaines pièces (« Trois apologues », « Fables logiques »), jusque dans le projet critique de Pour un Malherbe ou de ses écrits sur l’art qui exploitent volontiers la structure double de la description agrémentée de son commentaire. Bernard Beugnot montre comment les textes pongiens construisent, moins une allégorie offerte au déchiffrement du lecteur, qu’une allégorèse proposant ouvertement une lecture à double sens. Mais, à rebours du modèle classique, partant de l’idée pour l’illustrer par le récit, l’entreprise poétique de Ponge est toute entière consacrée à la leçon que délivre l’objet contemplé au fur et à mesure de sa description, par « un ravissement de la perception » qui n’exclut pas « une interrogation inquiète de la poésie à travers les choses » (p. 8). Cette approche du monde se veut conquête jamais achevée d’une formulation, se faisant parfois « rage de l’expression » : elle détermine le choix, poétique et moral, du poète d’exposer les tentatives et les brouillons qui constituent son entreprise d’écriture, d’expliquer « ce qu’il fait en le faisant », selon la formule de Derrida [1].

M. F.


Pour citer cette ressource :

Bernard Beugnot, « Ponge lecteur de lui-même », Publications en ligne de la SLFP, printemps 2020. URL : http://francisponge-slfp.ens-lyon.fr/?Ponge-lecteur-de-lui-meme


Notes

[1Jacques Derrida, Signéponge, Paris, Seuil, 1988, p. 23-24.

Mis en ligne le 28 mai 2020, par Marie Frisson